Publié le 21/11/2024

Hommage à Jacques Perrier

Jacques Perrier, ancien professeur de français, latin et grec au Lycée Courbet nous a quittés le 25 juillet 2024 à l’âge de 89 ans. Il était un immense consommateur de culture, amoureux des arts devant l’éternel. 

D’une culture esthétique jamais surplombante, toujours ludique et passionnée, il n’était pas cloisonné par ce qu’il enseignait. Comme professeur de lettres, si l’on ne s’étonnait pas de l’entendre promouvoir les grandes heures de la littérature, des poètes grecs et latins aux grands romans français, anglais ou allemands du XIX ème siècle, on se surprenait à constater, au sein même de ses cours, que cette dévolution à la grande cause littéraire trouvait régulièrement à se ramifier en chemins de traverses moins orthodoxes, en des terrains de l’imaginaire occupés par la science-fiction, la série noire, les romans américains.. «Peu importe ce que vous lisez, mais lisez!» se plaisait-t-il à répéter, en cours. Plus étonnant encore: lors du premier cours de français qu’il donna alors que je rentrais en seconde, il nous demandait de citer tous les films qu’on avait vu dernièrement, ceux qui nous avaient marqués, les réalisateurs qu’on connaissait parce qu’il était passionné de cinéma, nous emmenant voir des classiques projetés en VO à la Tour 41. 

EntreVues oblige, c’est à l’amoureux des films et du cinéma, justement, que je souhaitais rendre ici hommage.

EntreVues oblige, c’est à l’inlassable «pilier» du festival que je dédie ces quelques lignes.

A condition d’avoir soi-même honoré chaque rendez-vous annuel donné aux cinéphiles de Belfort (et de Navarre), il est impossible de ne pas avoir pris acte de sa présence, ici ou là, dans les salles bien sûr, les queues, la boutique du festival, le hall, de le retrouver quelque part, sur la cartographie du festival puisque, évidemment, avant le multiplexe, EntreVues était un joyeux périple qui nous transbahutait des Alphas au Kursaal, en passant par l’Atria. Périple qui ne donnait guère l’opportunité de se restaurer tellement les films cochés sur le programme astreignaient à crapahuter d’une salle à l’autre: ce qui m’a valu de pittoresques séances sandwiches déballés à l’arrache (et offerts généreusement) par Jacques devant Miracle à Milan, de Vittorio De Sica ou quelque Jean Rouch de la rétrospective de 1997!

Séances, lorsqu’elles se projetaient en présence de Jacques, ne manquaient pas de se clore sur de passionnés échanges au sortir de la salle comme celle, mémorable, à la suite de la projection du Salo, de Pasolini, où l’on vit Jacques défendre de manière magistrale ce grand film extrême devant des spectateurs interdits par ce qu’ils venaient de voir.

Car Jacques Perrier, comme pour tout ce qu’il aimait en matière d’art (et il aimait toutes les disciplines pour peu qu’il y ait de l’imagination et de l’inventivité), se montrait indéfectiblement ouvert à toutes les expériences, toutes les découvertes et réévaluations, tous les plaisirs dispensés par ce qui pouvait palpiter sur un écran de cinéma, et avec une exigence jamais austère, toujours sur le qui-vive, s’aventurant parfois devant des œuvres moins dans ses cordes, à des séances tardives, telles que The Thing, de Carpenter, en 2013, sur les coups de 22h30.

En sa présence à mes côtés, chaque projection prenait une dimension particulière, stimulant l’attention à ce qui se passait sur l’écran.

Voilà, en quelques lignes, qui était ce professeur, amoureux des lettres, de la musique, de la bande dessinée (comme Alain Resnais) avec lequel je suis resté ami et dont la voix rocailleuse me manque douloureusement.

Mais Jacques aimait tellement la vie que pour lui, la mort, qui en fait partie, et il le répétait souvent, n’avait aucun intérêt.

Alexandre Angel

― Photo prise en avril 2007, en Italie, au cinéma de Vérone à l'occasion de la projection du film Le Vent de Victor Sjöström

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