À partir d’un film inachevé tourné en 1944 par un prisonnier juif dans le camp de Westerbork, en Hollande, Harun Farocki interroge la vérité de l’image et la question du pouvoir à l’œuvre dans toute opération de montage.
En psychanalyse, le « souvenir-écran » (Deckerinnerung) désigne un souvenir qui, au sein de l’économie psychique, masque et dissimule un autre souvenir, refoulé. La photo de la jeune fille qui jette un dernier regard hors du wagon à bestiaux, avant que les portes ne se referment sur elle, est devenue une véritable icône de la Shoah. Dans le visage de cette fillette, sur le point d’être déportée avec le reste du convoi qui quitte en 1944 le camp de transit nazi de Westerbork au Pays-Bas, on a voulu voir l’emblème de l’extermination des juifs d’Europe. (…) Ce n’est qu’un demi-siècle plus tard qu’un journaliste néerlandais put restituer un nom au visage. On découvrit ainsi que la fille ne mourut pas à Auschwitz, que l’on pensait être la destination des trains. Mais surtout, on apprit que la fille n’était pas juive, mais fut persécutée en raison d’un autre motif encore. Derrière un génocide, c’est un autre qui se cache.
(Emmanuel Alloa, présentation de la séance « Un train peut en cacher un autre. Image-écran, mémoire-écran » du séminaire « L’Image témoin : l’après-coup du réel », décembre 2012)
- Scénario
- Harun Farocki
- Photographie
- Rudolf Breslauer
- Production
- Harun Farocki Filmproduktion