Couleur du temps : Berlin août 1945
Jean Rouch
Retournant à Berlin en 1988 et passant par quelques lieux emblématiques comme le stade olympique et la porte de Brandebourg, Jean Rouch se souvient de son arrivée dans cette ville dévastée fin juillet 1945. L'armée allemande était défaite et, parmi les ruines, au milieu des panneaux de signalisation où se côtoient toutes les langues, des femmes vendaient leur corps, à l'affût de la moindre cigarette ou du plus petit morceau de chocolat.
En août 1945, Jean Rouch, en mission à Berlin pour les forces alliées, y écrit un poème que Jean Cocteau publie dans la revue Fontaine. Couleur du temps, avec son titre emprunté à Apollinaire, fait l’effet d’une évocation lointaine, émaillée d’éclats de chansons de l’immédiat après-guerre. En fait le texte dit en off, esquisse du scénario de son premier film, est lui-même une ruine, une friche dans l’œuvre du cinéaste, qui lui donne cependant une seconde jeunesse à la faveur d’un retour à Berlin en 1988. Le montage – image et son – fait osciller l’image entre passé et présent. La ville n’est étonnamment pas si différente à deux moments de son histoire : les chantiers qui s’y sont multipliés annulent les ruines tout en les perpétuant visuellement. « Il ne reste plus que les souvenirs à demi effacés et un témoignage perdu, couleur du temps ».
(Charlotte Garson, septembre 2015)
- Scénario
- Jean Rouch