Dix ans après Mai 68, Michel Recanati, l’un des leaders du mouvement lycéen de Mai, s’est suicidé. A travers les petits films burlesques qu’il tournait dès l’âge de 14 ans puis de sa caméra embarquée dans les barricades, Romain Goupil fait l'éloge de son ami disparu et le bilan de leurs années de lutte.
Quatorze ans plus tard, voilà qu’un film, Mourir à trente ans, de Romain Goupil, s’adresse à toute cette génération qui a « raté » l’événement (un peu comme on a raté à jamais, un tour de chant d’Edith Piaf), et nous met, très concrètement, au pied du mur de ce que fut mai 1968, nous fait toucher du doigt, fraternellement, en grand frère, cette plaie toujours vive, non pas pour nous mettre du sang sur les doigts, mais pour qu’on examine la dimension de la plaie, sa figuration, et la nature exacte du coutelas qui l’a ouverte. Enquête sur un espoir manipulé, enquête sur la mort d’un ami. Le sanglot reste intérieur, mais le film de Romain Goupil donne une terrible envie de pleurer. Pas seulement parce qu’il en va de la mort d’un jeune homme, mais parce qu’il en va de la mort de l’espoir de cet homme, et de toute une génération. (…) Mourir à trente ans est un film inoubliable, parce qu’il marque la conscience, comme un tampon : si nous sommes bien des constructions individuelles qui se font lentement au cours de la vie, avec travaux d’élargissement, fissures ou effondrements, le film de Goupil nous désigne un trou, une pièce manquante que nous ne pouvions même pas colmater puisqu’elle nous était inconnue. Et parce qu’il est généreux, sincère, en même temps qu’il désigne ce vide, le film tente d’en faire un plein.
(Hervé Guibert, Le Monde, 17 juin 1982)
- Scénario
- Romain Goupil
- Photographie
- Renan Pollès, Jean Chiabaut, Sophie Goupil
- Son
- Jacques Kebadian, Dominique Dalmasso
- Montage
- Franssou Prenant
- Production
- MK2 Productions