Une série de quatre films explorant les multiples utilisations de la réalité virtuelle et des jeux vidéos par l’armée américaine dans le recrutement, l’entrainement au combat et la gestion thérapeutique des syndromes post-traumatiques des soldats à leur retour.
« Hitchcok a fait plus d’un film dans lequel la scène qui a causé le traumatisme d’un personnage est finalement donnée à voir comme une scène de film. Ici on voit ce que le patient semble représenter. En tout état de cause, Hollywood se référait à Freud – la thérapie ici se réfère à Pavlov. »
(Harun Farocki, Trafic, Juin 2011)
« Le jeu vidéo est manifestement devenu aujourd'hui le médium dominant, celui qui marque de son empreinte la représentation collective. Les paysages désertiques (dans les jeux), avec leurs palmiers, leurs pistes de béton et leurs poteaux électriques, avec leurs statues de Saddam Hussein, marquent les enfants d'aujourd'hui comme le faisaient autrefois ces villages de montagne dont les éléments préfabriqués formaient les accessoires des trains électriques. Les villes irakiennes qui étendent à perte de vue leurs ruelles de bâtiment en béton, sur le toit-terrasse desquels des francs-tireurs font le coup de feu, vivront dans le souvenir plus longtemps que les images de la télévision. Quand mourront les joueurs d’aujourd’hui, dans cinquante ou soixante ans, ils ne penseront pas, comme citizen Kane, à un traineau, mais à une femme voilée croisée dans les rues d’une ville virtuelle. »
(Harun Farocki, Trafic, Juin 2011)
Jeux sérieux I : Watson est à terre (2010, 8 min)
« En automne 2009, nous avons filmé une foreuse au « Marine Corps base 29 Palms » en Californie. Quatre marines sont assis côte à côte, l’équivalent de l’équipage d’un char. Ils ont des ordinateurs devant eux avec lesquels ils pilotent leur propre véhicule et regardent les autres dans leur unité d’entraînement par le biais d’un jeu vidéo. (…) Pendant l’exercice, l’éducateur place des explosifs et des insurgés dans les environs. Un tireur d’élite tire sur le mitrailleur du tank, retranscrit grâce à une caméra. Quand le tank roule sur le terrain en friches, cela génère un nuage de poussière. Malgré tous ces détails, la mort dans l’ordinateur est différente de la mort dans la réalité. »
(Harun Farocki)
Jeux sérieux II : Trois morts (2010, 8 min)
« On y voit des hélicoptères flottant au-dessus d’un plateau de montagnes, accompagnés par une caméra virtuelle – une musique symphonique aux accords post-wagneriens présageant une atmosphère dramatique. C’est d’un mouvement semblable que ce regard-oiseau omnipotent quittera pour finir un village du Proche Orient animé numériquement. On y reconnaît sur des blocs de bâtiments des icônes de marques américaines telles que Pepsi ou Coca-Cola. L’opération guerrière réussie signifie toujours en même temps l’implantation efficace d’intérêts économiques. »
(Christa Blümlinger, Trafic, 2011)
Jeux sérieux III : Immersion (2009, 20 min)
« Après une introduction technique, les thérapeutes militaires – qui étaient plus d’une trentaine – ont commencé, sur six postes informatique, à pratiquer des jeux de rôles. D’un point de vue stylistique, ces scènes m’ont beaucoup plu. Parce qu’ils portaient des casques, les patients-acteurs parlaient fort, et ils semblaient déclamer ce qu’ils disaient. (…) Et sur l’ordinateur – dont nous enregistrions les images au fur et à mesure – on pouvait voir ce que voyaient et ce que décrivaient les patients pris dans le jeu de rôles. »
(Harun Farocki, Trafic, Juin 2011)
Jeux sérieux IV : Un soleil sans ombres (2010, 8 min)
« Se référant aux images de Watson Is Down, la section A Sun with no Shadow forme plus qu’une simple synthèse. Cette quatrième séquence élargit les jeux « sérieux » de manière temporelle, les constituant en matériau de futurs espaces de mémoire. Le monde-modèle présenté à l’armée y sert, semble-t-il, non seulement de repère pour la préparation ou pour les souvenirs de la guerre, mais aussi à la conception d’un monde réel de l’après-guerre. »
(Christa Blümlinger, Trafic, 2011)
- Photographie
- Ingo Kratisch
- Son
- Matthias Rajmann
- Montage
- Harun Farocki
- Production
- Harun Farocki Filmproduktion