Small Axe de Steve McQueen
« Small Axe » est à l’origine le titre d’une chanson de Bob Marley, produite et enregistrée en 1970 par Lee « Scratch » Perry, pionnier du reggae et du dub. Elle contient une double lecture, dénonçant d’une part le monopole du marché du disque jamaïcain par les trois grands producteurs de l’époque et d’autre part, la domination des puissants sur les opprimés.
C’est une métaphore sur la manière dont la petite hache (« small axe ») peut abattre un grand arbre robuste et oppressif. Chanté pour donner confiance aux exclus dans leur combat pour la justice sociale, ce morceau est en définitive une allégorie de cette collection de films éponyme réalisée par Steve McQueen, premier cinéaste noir oscarisé pour son film, Twelve Years a Slave (2014). Né à Londres en 1969 de parents originaires des Petites Antilles, le réalisateur voulait depuis longtemps proposer une visibilité pour sa communauté, dont le récit a trop souvent été occulté du cinéma britannique. C’est donc chose faite avec ces cinq films indépendants qui explorent l’histoire tourmentée des Afro-Caribéens dans l’Angleterre des années 1960-80, dressant un portrait relativement exhaustif et nuancé du racisme endémique qui gangrénait les différentes sphères sociétales : l’emploi, le logement, la police, la justice pénale, l’éducation ou encore les relations sociales. Le tout chapeauté en filigrane par une monarchie aussi impassible qu’immuable, représentée par cette photo de la reine Elisabeth II qui surplombe à plusieurs reprises les institutions que traversent les personnages. À ce propos, certains sont réels, d’autres fictifs, mais là encore, le ton est toujours direct, juste et éloigné des clichés. Et un troisième type de personnages s’invite dans cette mini-série, la musique : omniprésente, chaude, envoûtante, sensuelle, hypnotique et incontestablement noire, synonyme alternativement, parfois simultanément, de divertissement, de refuge, d’exutoire, de résistance et de révolte. C’est le battement de cœur de Small Axe. Le meilleur du calypso, du reggae, du dub et de la soul rythme ainsi tambour battant cette anthologie en cinq actes, à regarder et à écouter sans modération ...
JÉRÉMIE KROUBO DAGNINI
Un cycle accompagné par Laurence Reymond (programmatrice), Jérémie Kroubo Dagnini (spécialiste des musiques populaires jamaïcaines) et Léna Monème.
Gratuit et ouvert à tou.tes.